Le giratoire du pont Fouchard sera-t-il favorable aux déplacements à vélo ?

Dans un précédent article, nous détaillions la nécessité de sécuriser le giratoire du pont Fouchard actuellement en travaux. C’est d’ailleurs un constat partagé par la ville de Saumur qui, dans une communication, écrit ceci :

« Cet axe est aujourd’hui peu utilisable par les cyclistes : les conditions de sécurité ne sont pas suffisantes du fait de discontinuités et de franchissements d’intersections qui génèrent un inconfort important pour les utilisateurs et interdisent à un grand nombre de cyclistes une pratique quotidienne effective. »

Pour autant, l’aménagement en cours de réalisation ne permettra pas d’atteindre ces objectifs : la traversée restera dangereuse et inconfortable.

Réalisons l’expérience de traverser ce carrefour à vélo.


Demain à l’issue des travaux, je traverse le pont Fouchard à vélo pour aller sur le Boulevard Delessert.

Exemple d’itinéraire sur le giratoire réaménagé

Je dois d’abord monter sur le trottoir (1) avec un dénivelé peu confortable et un angle étroit. Je dois ralentir sinon c’est dangereux… Une fois sur le trottoir je me retrouve dans le dos de piétons marchant côte à côte.

J’hésite entre mettre un coup de sonnette ou passer au ralenti tout près d’eux… Finalement je passe au ralenti en perdant l’efficacité de mon mode de transport. Je suppose que tout le monde n’aura pas la même patience et qu’il y aura des conflits d’usage sur cet espace étroit sans séparation franche ni lisible.

J’arrive au niveau de l’avenue Louis Renault (2), l’aménagement ne me donne pas la priorité, je m’arrête… Décidément tout le monde est pressé ce soir, impossible de passer. J’attends qu’une voiture s’arrête…Tiens, les personnes que je viens de dépasser arrivent sur le passage piéton. On me laisse passer, mais je dois franchir une marche de 2cm pour me retrouver avec les piétons sur un îlot central (3) à peine suffisant pour stocker mon vélo.

Au moment de traverser, une voiture arrive par la droite sur la deuxième file, et ne semble pas m’avoir vu. Je freine . Quelle idée aussi de laisser deux files de véhicules ! Il aurait fallu que l’aménagement réduise la vitesse des voitures, sans générer ces problèmes de visibilité réciproque qui nuisent à ma sécurité.

Après avoir franchi une seconde marche (4), je me retrouve de nouveau sur l’espace des piétons, à savoir le trottoir. J’ai fait la moitié de mon parcours.

J’arrive sur la rue du Maréchal Leclerc (5), toujours pas prioritaire.

J’attends qu’une voiture me laisse passer, parce que là aussi c’est un flot ininterrompu… Je passe ! Je dois tourner à 90° en étant presque sur place (6)… Heureusement que j’ai l’habitude de me déplacer à vélo, sinon je mettais le pied à terre. Voilà j’arrive enfin sur le trottoir du boulevard Delessert (7).

Dans mon coin gauche, j’aperçois une silhouette qui se déplace avec efficacité… C’est une personne sur un vélo de ville ! Je comprends qu’elle passe par la chaussée avec les voitures, elle a mis 5 secondes pour aller sur le boulevard Delessert, j’en ai mis au moins 50 ! Elle est restée prioritaire une fois sur le giratoire.

Je ne suis pas sûr de repasser par là la prochaine fois, ce n’est absolument pas pratique, c’est même pénible si je cherche à circuler en sécurité. Visiblement c’est plus simple de se déplacer en voiture ou à pied !


On s’imagine bien à travers cette expérience que ce nouvel aménagement est loin d’être complètement sécurisé : les véhicules motorisés peuvent continuer à rouler vite, et aucun dispositif (plateaux surélevés, renforcement de la signalisation incitant à ralentir voire céder le passage) n’est mis en place pour réduire leur sentiment de priorité sur les piétons et les cyclistes. Le giratoire est aussi très loin d’être confortable pour les personnes qui se déplacent à vélo: pertes de priorité à chaque intersection, rayons de girations inconfortables, largeur de circulation de moins de 2 mètres, passage de caniveaux donc bordures, nombreuses zones de conflit avec les piétons, et des trajectoires qui ne sont pas efficaces. Tous ces points d’attention sont abordés dans les recommandations par le centre d’études et d’expertise sur la mobilité (CEREMA).

Extrait du cahier du CEREMA : rendre sa voirie cyclable
Extrait du cahier CEREMA « Rendre sa voie cyclable »

Créée en mars 2021, l’association Place au Vélo n’a pas pu être associée à ce projet. Pourtant notre expertise d’usage nous permet d’identifier rapidement les problèmes de conception de ce giratoire. À travers ce constat, nous sommes d’ailleurs étonnés que ce projet ait été retenu et subventionné (145 000€) par le programme national « Fonds Mobilités Actives – Continuités Cyclables ».

Comme l’a montré le CEREMA, donner la priorité aux cyclistes aux intersections permettrait au moins d’améliorer leur sécurité en agissant sur la vitesse des véhicules qui peuvent les mettre en danger.

L’avenir de la mobilité en ville appartient aux transports collectifs, au vélo et à la marche.

Les nouveaux aménagements cyclables doivent s’adresser à tout le monde, que ce soit les cyclotouristes, ou les cyclistes du quotidien. Le rôle d’une bonne infrastructure cyclable c’est de donner envie aux familles, aux séniors, aux enfants et à tous ceux qui n’en font pas aujourd’hui de faire du vélo. C’est d’ailleurs ces derniers qui participeront à l’augmentation de la part modale des déplacements à vélo.

Nous regrettons le manque de vision globale qui amène à réaliser un aménagement pour les 30 prochaines années sans l’envisager dans un ensemble. Pourquoi avoir fait le choix d’empiéter sur l’espace piéton plutôt que sur la large voirie dédiée aux voitures ? Qu’est-il prévu à moyen terme pour rendre la rue Maréchal Leclerc cyclable ? Est-ce que le choix qui sera fait amènera à repenser le giratoire ? Pourquoi n’y a-t-il pas de volonté de réduire le trafic motorisé individuel en transformant les doubles voies pour développer d’autres modes dont les transports collectifs ? Pourquoi les équipes techniques de la voirie ne développeraient pas leur compétences en matière d’urbanisme cyclable ?

Exemples de carrefours cyclables proposés par le CEREMA
Exemples de carrefours cyclables proposés par le CEREMA

Le constat est qu’aujourd’hui de nombreux aménagements de voirie ne respectent pas les préconisations faites par l’État. C’est le cas du quartier de la gare SNCF, du nouveau pôle universitaire, de l’avenue de la Croix de guerre actuellement en travaux ou encore de ce giratoire du pont Fouchard, qui, tous, rejettent les vélos sur les trottoirs avec les piétons, les mettant en danger et réduisant l’attrait des modes actifs

Notre souhait est donc de travailler en collaboration avec les collectivités pour faire en sorte que les déplacements à vélo soient réellement pris en compte. Pour cela, une consultation en amont de la publication du projet est essentielle. Nous attendons encore la concrétisation de cette promesse faite par le maire, M. Goulet, en octobre dernier.

N’hésitez pas à rejoindre notre association pour développer l’usage du vélo au quotidien.

Télécharger le communiqué de presse

À propos de Place au Vélo en Saumurois :

Place au Vélo en Saumurois est une association loi 1901 membre de la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB) et du Collectif Vélo Pays-de-la-Loire. Elle a pour but de promouvoir et développer l’usage du vélo sur le territoire de l’agglomération Saumur Val de Loire.

Contact presse :

Rémi Charrier, président et porte parole, contact@placeauveloensaumurois.fr

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